Rencontre avec Dominique Lauret
Qu’est-ce qui fait la mémoire singulière du Château Pindefleurs ?
Sans doute les figures qui s’y sont succédées depuis l’ancien régime et qui constituent autant de modèles à notre exigence d’aujourd’hui. Des personnalités brillantes et fièrement impliquées dans la vie locale comme par exemple Antoine de Sèze, maire de Saint-Émilion au début du XVIIe siècle : Chateaubriand raconte qu’avec force diplomatie, il aurait réussi à infléchir le cortège royal pour inviter le roi Louis XIII à découvrir le village. Son descendant, l’avocat Romain de Sèze, s’est lui aussi illustré, défendant sous la Révolution un autre souverain, Louis XVI. Beaucoup plus tard, c’est Adolphe Charoulet, également maire, qui mettra son enthousiasme au service du vignoble : en 1907, son travail est gratifié de la première médaille d’or du Château. Plus récemment encore, la propriété fut entre les mains de la famille Dior, un grand nom synonyme d’excellence.
Avec ces personnages en tutelle, comment négocie-t-on avec le passé pour y faire sa place ?
Avec modestie et tendresse. Je suis une enfant du pays et, petite, je passais souvent devant Pindefleurs : la propriété m’était déjà, en un sens, familière. Elle faisait partie de mon paysage, de mon quotidien et la poésie de son nom m’a toujours interpellée. M’y projeter ne fut donc pas une expérience totalement étrangère. Mais il fallait rendre au château à la fois son charme et sa fonction : à mon arrivée en 2006, nous avons entrepris la rénovation de la chartreuse, la construction d’un nouveau chai et la mise en place de tout l’équipement viticole. Notre volonté était double : ménager un espace de travail propice à la production d’un grand vin mais aussi faire du domaine un véritable lieu de vie où nous installer.
Derrière cette aventure qui est la vôtre, c’est semble-t-il l’esprit de famille qui prévaut…
Ce grand projet est bien entendu un challenge mais dont je ne peux être fière qu’à une seule condition, celle du partage. Ma famille a le vin au cœur depuis des générations, j’ai travaillé pendant des années avec mon frère au Château Pipeau, dont nous partagions la propriété. Naturellement, j’ai souhaité transmettre à mon tour et l’occasion d’acquérir Pindefleurs s’est présentée de manière presque providentielle. Par chance, je n’ai pas eu à convaincre mes enfants : Audrey et Pierre ont repris le flambeau avec l’enthousiasme qui m’a toujours animée. Désormais, c’est à eux que revient de conjuguer notre savoir-faire aux défis d’aujourd’hui. La passion et l’énergie qu’ils déploient promettent assurément de belles choses pour l’avenir.